détox réseaux sociaux

La « détox digitale » ou de notre (in)capacité à supporter l’absence

« Je fais une pause des réseaux sociaux pour ma santé mentale. » Cette phrase, devenue quasi-rituelle sur nos fils d’actualité, révèle un paradoxe saisissant : nous annonçons notre déconnexion… en nous connectant. Cette contradiction apparente n’est pas anodine. Elle trahit notre rapport profondément ambivalent à ce que l’on pourrait appeler la « jouissance numérique » et transforme la détox digitale en symptôme contemporain d’un malaise dans la civilisation connectée.


Le spectacle de l’absence


Freud nous enseignait que le symptôme dit toujours quelque chose que le sujet ne peut formuler autrement. Que nous dit donc cette mise en scène de la déconnexion ? D’abord, que la détox digitale est devenue elle-même un contenu tendance, un nouveau territoire de performance sociale. Publier son intention de disparaître temporairement des écrans revient à s’assurer une présence différée mais renforcée : les messages de soutien affluent, l’absence devient événement, le retour sera célébré.
Cette théâtralisation révèle notre incapacité à simplement nous déconnecter. Il nous faut d’abord l’annoncer, la justifier, la légitimer socialement. Comme si disparaître sans préavis était devenu impensable, voire impoli dans notre économie de l’attention. La détox devient alors moins une pause véritable qu’un nouveau type de contenu à consommer et à produire.


L’injonction paradoxale du bien-être numérique


Cette pratique s’inscrit dans ce que l’on pourrait nommer une « injonction paradoxale » contemporaine : nous devons être connectés pour exister socialement, mais nous devons aussi nous déconnecter pour préserver notre santé mentale. Cette double contrainte génère une angoisse spécifique : celle de manquer quelque chose d’essentiel tout en étant simultanément submergé par trop d’informations.


La détox digitale devient alors une tentative de résolution de cette contradiction, mais elle reproduit le problème qu’elle prétend résoudre. En faisant de la déconnexion un événement social partageable, nous restons pris dans la logique même que nous cherchons à fuir : celle de la validation permanente et du regard de l’Autre numérique.
La vraie question n’est donc pas celle de la durée ou de l’efficacité de ces pauses, mais celle de notre capacité à supporter l’absence de regard, le silence numérique. Car derrière chaque « détox digitale » annoncée se cache peut-être cette interrogation angoissante : existerons-nous encore si personne ne nous regarde ?


Vers une véritable désintoxication ?


La véritable détox digitale commencerait peut-être par renoncer à en faire l’annonce. Elle résiderait dans cette capacité retrouvée à disparaître sans justification, à vivre des expériences sans les documenter, à être présent à soi-même sans témoin numérique. Mais cette perspective effraie, car elle nous confronte à ce que les écrans nous permettent d’échapper : la solitude authentique avec nous-mêmes.

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